Les chercheurs du laboratoire Génétique et évolution des maladies infectieuses (CNRS – IRD, Montpellier) étudient une curieuse association entre un groupe de vers parasites, les nématomorphes, et leur hôte, les orthoptères (grillons, sauterelles). Quand ils passent du stade larvaire au stade adulte, ces parasites obligent leur hôte à se « suicider » en se jetant à l'eau. Les chercheurs viennent de mettre en évidence le dialogue moléculaire qui s'instaure entre le parasite et son hôte avant, pendant et après le « suicide » de l'insecte.
Les chercheurs du laboratoire Génétique et évolution des maladies infectieuses (CNRS – IRD, Montpellier) étudient une curieuse association entre un groupe de vers parasites, les nématomorphes, et leur hôte, les orthoptères (grillons, sauterelles). Quand ils passent du stade larvaire au stade adulte, ces parasites obligent leur hôte à se « suicider » en se jetant à l'eau. Les chercheurs viennent de mettre en évidence le dialogue moléculaire qui s'instaure entre le parasite et son hôte avant, pendant et après le « suicide » de l'insecte. Ils avancent ainsi dans la compréhension des phénomènes qui permettent à un parasite de modifier le comportement de son hôte en agissant sur le fonctionnement du système nerveux. Ces résultats sont en ligne sur le site des Proceedings of the Royal Society of London B.
Dans de nombreuses associations hôtes-parasites, les hôtes infectés présentent par rapport aux individus sains des modifications phénotypiques marquées - différences de comportement ou de morphologie - qui sont souvent adaptatives pour le parasite : elles augmentent la probabilité qu'il soit transmis d'un hôte à un autre, ou que ses stades infestants soient libérés dans un habitat favorable. On parle ainsi de manipulation parasitaire. Pour comprendre ces phénomènes, il est important d'étudier d'un point de vue évolutif l'expression des génomes en confrontation et les messagers moléculaires échangés.
Les nématomorphes, ou gordiens, constituent un groupe de vers parasites d'environ 300 espèces largement réparties sur la planète. Au stade larvaire, ce sont des parasites internes d'arthropodes terrestres comme les orthoptères (grillons, sauterelles). Au stade adulte, ils sont en revanche libres et aquatiques dans les ruisseaux et rivières. Au terme de leur développement, ils atteignent une taille considérable par rapport à leur hôte (voir photo) et doivent alors impérativement rejoindre le milieu aquatique pour la reproduction. En 2002, les chercheurs du groupe « Organismes parasitiquement modifiés » du laboratoire Génétique et évolution des maladies infectieuses (CNRS-IRD) avaient montré et même filmé sur le terrain et au laboratoire que ces parasites manipulaient le comportement des insectes hôtes (au moins 9 espèces d'orthoptères) obligeant ces derniers à se « suicider » en se jetant à l'eau.
Ils viennent d'étudier de façon simultanée le protéome (ensemble des protéines produites à un instant donné) du ver et celui du cerveau des insectes à trois instants stratégiques du « suicide » : avant, pendant et après le saut de l'insecte dans l'eau et l'émergence du parasite. Une telle approche a permis pour la première fois de suivre en direct le dialogue moléculaire aboutissant à la manipulation du comportement de l'hôte par son parasite. Cette étude a tout d'abord révélé l'existence de protéines intervenant dans le développement du système nerveux central de l'insecte, de son rythme circadien, de sa géotaxie et aussi dans l'activité de ses neurotransmetteurs. Plusieurs protéines dont la fonction est encore inconnue ont également été mises en évidence. En ce qui concerne les nématomorphes, les chercheurs ont à présent la preuve qu'ils sont capables de produire des molécules neuroactives mimétiques, c'est à dire comparables en structure à celles produites par les insectes eux-mêmes, et de les sécréter dans le système nerveux central de leurs hôtes.
Les chercheurs s'orientent à présent vers des expériences de micro-injection dans le but d'induire le comportement suicidaire chez des insectes sains. Ils tentent également de vérifier si toutes ces molécules d'intérêt sont retrouvées au sein des diverses associations insectes-nématomorphes.